Bernard Lecomte, un homme d'exception

 

Bernard Lecomte nous a quittés le 7 août 2022 dans sa quatre-vingt-quatorzième année. Voici son dernier message :

" Je suis prêt à partir ! Heureux de ma vie bien remplie que vous avez rendue belle et fort de ma foi qui me rend serein. Merci de votre amour, de vos prières et de vos pensées. Au revoir, je vous aime ! "

Avec Renée, son épouse fondatrice du GRAD, Bernard nous a guidés pendant plus de 4O ans et nous a ouverts à la réalité de la solidarité et de la coopération internationale. Cette page de notre site Web veut lui rendre hommage.

 


 

Son itinéraire

Le Père Lebret et la CINAM

Issu d’une famille d’industriels du textile du Nord de la France, Bernard s’était destiné, « par esprit de famille », à rejoindre son père dans l’entreprise. Il passe donc son diplôme d’ingénieur à Lille et en même temps, il milite dans la Jeunesse Etudiante Chrétienne (JEC) puis à « Économie et Humanisme ». Cette association, fondée en 1941 par le Père LEBRET, veut favoriser la rencontre entre l'économie et la doctrine sociale de l'Église et contribuer à l’émergence d’une « économie humaine » compatible avec les exigences de la justice. Bernard rencontre le Père LEBRET en 1947 à Lille, à une conférence. Il anime des équipes locales d’Economie et Humanisme à Roubaix, puis à Mulhouse  où il travaille comme ingénieur. En désaccord avec les pratiques de management et de gestion du personnel de son patron, il démissionne.

Il demande alors au Père LEBRET à suivre un stage à Calluire, au centre d’études d’Economie et Humanisme. Il y reste plusieurs mois et réalise beaucoup d’enquêtes auprès de diverses populations pauvres. Un jour, le Père LEBRET le voyant disponible, le fait embaucher par Georges CELESTIN au sein d’un bureau d’études : la « Compagnie d’Etudes Industrielles et d’Aménagement du Territoire » (CINAM) . On était en 1958 en pleine préparation des indépendances africaines et le Père LEBRET avait été choisi comme conseiller économique pour le premier « pré-gouvernement » sénégalais, dans la dynamique de la préparation des indépendances. L’idée du Père LEBRET était de faire élaborer par le gouvernement un plan à long terme et de mettre en place un appareil de mise en œuvre du plan aux niveaux national, régional et local. Un bureau d’études était chargé de repérer les potentialités et les problèmes agricoles, un autre de décrire les potentialités hydro-agricoles et la CINAM s’occupait des conditions sociales et économiques du développement et de la coordination de l’ensemble. 

Au Sénégal, à Noël 1958, Bernard rencontre Renée Dupont, une jeune juriste. Ils se retrouvent autour du même engagement, celui d'aider les nouveaux pays indépendants et décident de se marier à Dakar en 1960. 

Avec la CINAM, Bernard mène de nombreuses études de planification au Sénégal, puis à Madagascar et à nouveau au Sénégal en 1963-1965. Il découvre peu à peu que l’approche de planification intersectorielle préconisée par le Père LEBRET est de plus en plus marginalisée par les sociétés d’Etat sectorielles (Coton, Arachide, Riz) pensées et dirigées par des ingénieurs pour la plupart français. Alors que le premier chef du gouvernement sénégalais, Mamadou DIA visait la « prise de responsabilités des ruraux agissant au sein de coopératives de développement », les sociétés d’Etat mettent en place un système pyramidal d’encadrement des paysans qui place les coopératives sous tutelle.

Bernard sent que cet encadrement anéantira tout espoir de planification à tous les niveaux et que les décisions se prendront sans les principaux intéressés, les paysans. En juin 1965, il accepte le poste de Directeur Adjoint de la CINAM, en poste à Paris. La CINAM change de statut et devient une coopérative. Bernard se passionne pour sa nouvelle tâche qui combine le management d’une entreprise avec une approche humaniste. Il s’attache à faire « réussir la coopérative » qui emploie une soixantaine d’associés salariés et de très nombreux collaborateurs africains.

A partir de 1967, le chantier dominant de la CINAM outre-mer devient la mise en œuvre de « Zones d’Actions Prioritaires Intégrées (ZAPI) » dans l’Est et le Centre-Sud du Cameroun. La CINAM propose une approche innovante visant à donner l’initiative aux paysans : la responsabilité des activités est confiée à des « Entreprises de Progrès Local (EPL) », dont des comités de planteurs seraient co-fondateurs et deviendraient actionnaires.
Mais finalement le poids de l’Etat et des fonctionnaires ne permettra pas au projet de se développer sainement et de durer. Une nouvelle fois, les délégués paysans sont marginalisés et coupés de leur base.

En 1969, la CINAM connaît des difficultés financières et, en 1970-1971,  Bernard, malgré ses réticences, doit licencier plus de vingt salariés. Bernard devient président. Cependant, se rendant compte qu'il ne parvient plus à obtenir des contrats de groupe sur le modèle des ZAPI et que les contrats simples d'expert ne l'intéressent pas, il ne renouvelle pas  son  mandat et quitte la CINAM.

Le CESAO et les "maîtres-paysans"

A la fin de son mandat à la CINAM, Bernard s’engage dans une réflexion profonde. La voie ouverte à la fin des années 1950 par le Père LEBRET consistait à « construire un ensemble d’articulations entre les décisions de politiques sectorielles (économique, technique, sociale et culturelle) et les initiatives des gens tant au niveau national qu’au plan des villages ». Bernard s’y était engagé avec toute son énergie, mais il doit bien constater qu’elle ne porte pas les fruits espérés. L’expérience des ZAPI lui a montré que les efforts d’organisation du milieu rural entrepris à partir d’initiatives extérieures finissaient par produire une société assistée, soit l’inverse de la visée initiale. « Il ne fallait pas que l’initiative parte de nous, dit-il, mais des paysans eux-mêmes ! »

Dans les années 1970 il avait créé, avec plusieurs anciens des ZAPI et des amis comme Fernand Vincent,  le « Groupe d’Appui aux Organes Locaux de Développement (GAOLD) ». Après son départ de la CINAM, il recherche un terrain pour tester cette nouvelle approche. Il va le trouver au CESAO, le « Centre d’Etudes Economiques et Sociales d’Afrique de l’Ouest ».

Le CESAO avait été fondé en 1960, à Bobo-Dioulasso, par les Pères Blancs pour former des cadres du développement. En 1970, Bernard avait réalisé une évaluation du CESAO, qui concluait que les anciens stagiaires (venus de divers pays d’Afrique de l’Ouest  pour deux années scolaires) ne servaient pas plus que cela « au développement ». Certains poursuivaient leurs études à l’université, les autres retrouvaient leur poste mais sans avoir suffisamment de poids pour influencer leurs supérieurs. A la suite de l’évaluation, le directeur du CESAO Piet BUIJSROGGE, était convenu que l’objectif devrait être non pas de former des cadres moyens mais des leaders paysans. Bernard est embauché par le CESAO pour réaliser cet objectif grâce à des financements apportés par Misereor et la Direction du Développement et de la Coopération suisse. Renée, son épouse, travaille avec lui sur un contrat local.

La démarche de Bernard va être profondément influencée par sa rencontre avec ceux qu’il appelle ses « maîtres paysans ».

D’abord Jean Gabriel SENI, le premier président de « l’Union Provisoire des Paysans Africains (UPPA) » où se retrouvaient les premiers leaders paysans sénégalais, ivoiriens et voltaïques. 
Bernard découvre que ces « responsables paysans mettaient en question le système de vulgarisation où la parole descend de l’ingénieur à l’encadreur, de celui-ci au moniteur et du moniteur au paysan. » Il prend conscience des limites de l’aide qui fonctionne suivant ce processus. Elle est non seulement un frein mais un obstacle car elle empêche l’initiative.
Bernard explicite : « dans un milieu où la tradition puis la colonie avaient déjà sévi, l’aide continuait à donner du tout-pensé, du tout-cuit (préparé à l’avance et loin du village) ". Il rapporte la parole d’un paysan : « Quand tu leur proposes quelque chose, les cadres te disent : ’Non, ce n’est pas dans le projet’ »

En 1973, Bernard rencontre son deuxième « maître paysan » Bernard Lédéa OUEDRAOGO. Il avait été instituteur et l’un des pionniers de « l’école rurale » en Haute-Volta ; il avait imaginé d’en poursuivre l’action en incitant les élèves à s’organiser en groupements post-scolaires, les « groupements Naam ».
Bernard se découvre une nouvelle vocation : « faire exprimer des personnes expérimentées, les amener à confronter leurs expériences et à tracer ensemble des avenirs possibles ».

Son troisième « maître-paysan » sera Mamadou Cissokho, le stratège des organisations paysannes. Bernard rapporte ses propos : " Il faut que tous ces groupes différents acceptent de coopérer ensemble pour avoir une force au niveau national ». C'est avec lui que Bernard lancera l'association Six-S au Mali et au Sénégal et Mamadou Cissokho sera ensuite le fondateur de la FONGS, la Fédération des ONG du Sénégal, puis du ROPPA, le Réseau des Organisations Paysannes et de Producteurs d’Afrique de l’Ouest.

Le Six-S et les fonds non affectés

En 1976, après trois années au CESAO, Bernard et Renée doivent revenir en France. Bernard reprend un statut d’ingénieur consultant indépendant et la famille s’installe à Bonneville, près de Genève. Bernard cherche des moyens pour réaliser son nouveau projet : réunir deux expériences, celle de planificateur/évaluateur et celle d’observateur/facilitateur des initiatives des groupements paysans. 
Ses « maîtres-paysans » lui ont ouvert les yeux sur les potentialités de la saison sèche au Sahel : « En saison des pluies, lui a dit Bernard Lédéa OUEDRAOGO, tu n'as pas le droit de faire autre chose que du coton ! Sinon l’administration te met à l’amende. »  L’idée est de faire passer la saison sèche de saison morte au statut de saison libre pour innover. 
Renée, en tant que juriste,  rédige les statuts de l’association Six-S :  « Se Servir de la Saison Sèche au Sahel en Savane ». Ce sera une association suisse parce qu’en droit suisse on peut avoir des administrateurs étrangers, sans aucun contrôle gouvernemental. Cela donnera en quelque sorte à l’association un statut international et garantira son indépendance par rapport aux Etats. 
Grâce aux contacts qu’il avait développés en tant que planificateur et évaluateur, Bernard trouve des appuis aux Pays-Bas, en Allemagne et surtout en Suisse où il a la confiance de la DDC (« Direction du Développement et de la Coopération »). Il obtient de ces appuis non pas un financement par projets, mais des « fonds non affectés à l’avance » puisque l’objectif est de répondre à des initiatives venant de la base.
Six-S va démarrer dans trois zones : une au Mali, près de Mopti, une au Burkina-Faso autour de Ouahigouya et la troisième au Sénégal dans la région de Ronkh.
Un allié inattendu et curieux va se présenter : en 1973-1974 une grande sécheresse frappe le Sahel. Elle inquiète les anciens et fait émigrer la plus grande partie des hommes. Dans les villages, les jeunes et les femmes doivent se mobiliser pour trouver des solutions. Six-S répond à leurs attentes. 
Le système fonctionne de manière originale : un fonds annuel est débloqué et chaque zone en reçoit une partie suivant des règles de dotation. Un comité de zone composé de responsables des groupements paysans est chargé d’étudier et d’accepter les demandes de financement. Pour qu’une demande soit acceptée, il faut que le groupement de base apporte des fonds propres ou bien des journées de travail et que l’action concerne plusieurs groupements afin de promouvoir des unions de groupements au-delà de l’échelon villageois.
Pour rassurer l’administration suisse, on lui présente une liste de quelques deux cents petits projets susceptibles d’être réalisés par des groupes locaux. Une méthode simple d’enregistrement des actions choisies et réalisées permet, par des « fiches-villages », de certifier ce qui a été réellement fait, qui en a bénéficié et avec quelles dépenses réalisées sur le fonds Six-S.
Ainsi, pour la première fois, des financiers acceptaient d’apporter des fonds sans désignation de projet à l’avance, de laisser les dépenses à la guise des comités de zone et de n’avoir un contrôle qu’après l’action. Pour obtenir l’accord final des autorités suisses, Bernard avait signé une décharge disant qu’il était personnellement responsable du bon usage des fonds !
Ces fonds non affectés permettaient ainsi aux groupements villageois de faire des choses qu’aucune autre aide ne leur permettait de faire et qui venaient de leur seule initiative.

Dans les années 90, Six-S touche des centaines de villages. C’est le seul organisme de cette importance à avoir un tel dynamisme dans la société paysanne. Et pourtant Bernard fait tot ce qu’il peut pour qu’on ne voit pas Six-S car ce qui lui paraît essentiel c’est la dynamique des groupements et la construction par eux-mêmes de leurs unions et fédérations. Six-S n’est pas un mouvement paysan mais plutôt la matrice de ce dernier. « Le principe de base, dit Bernard, est resté celui-ci : pour que les choses bougent en profondeur, il faut qu’elles soient décidées par ceux qui vont les réaliser. »
Les assemblées générales du Six-S qui réunissent chaque année les différentes parties prenantes à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest renforcent puissamment ce dynamisme qui débouchera sur la création du ROPPA sous l’égide de Mamadou Cissokho.

 


 

Ses ouvrages fondamentaux

L aide par projet

Les paysans dans le marigot

Dans ce livre, publié en 1986, Bernard révèle pour la première fois l'analyse qu'il a faite, à partir de l'expérience, des limites de l'aide par projet. Voici ce qu'en écrit Albert NICOLLET dans "Persée, les cahiers de sociologie économique et culturelle".

L'aide au développement n'intéresse pas seulement les experts, mais tous ceux qui répondent aux sollicitations de multiples associations dont la vocation est de soutenir tel ou tel projet dans le Tiers Monde. On sait que les résultats obtenus ne sont pas toujours à la hauteur des objectifs, mais, sur les mécanismes de l'aide, il n'existe pas beaucoup d'ouvrages satisfaisants; ou bien ils sont très techniques et réservés à des spécialistes ou bien faciles, pavés de bonnes intentions mais superficiels. Le livre de B. LECOMTE échappe à ces écueils. Oeuvre d'un bon connaisseur de la planification et de l'évaluation des entreprises de développement, à l'échelle internationale, spécialement en Afrique de l'Ouest, elle porte la marque du praticien de terrain qui sait se faire entendre au-delà des sphères officielles, auprès des paysans. "Artisan qui, d'essai en échec, tente d'améliorer sa tâche d'appui au développement", l'auteur se méfie des théories pures et il a constamment recours à l'exemple, à l'étude de cas, pour justifier son propos. L'aide par projet est pour lui un instrument au service du développement. Il en analyse tous les rouages, critiquant les aspects "peu rationnels, illusoires ou négatifs" et proposant des solutions pour l'améliorer. Nous ne pouvons ici entrer dans la description des institutions et des actions qui sont impliquées dans cette forme d'aide. Mais il est important de souligner les postulats sociologiques qui orientent la recherche de l'auteur. "Aider c'est appuyer l'action d'autrui" et non se substituer à lui, ce qui suppose que le partenaire ne soit pas seulement un bénéficiaire et un exécutant, mais qu'il ait la capacité de mobiliser ses propres ressources de conception, d'organisation, de travail. "Comment imaginer qu'ils vont prendre en charge et acquérir la maîtrise de leur développement, s'ils ne participent pas à la mise au point et à une tâche de découverte locale des techniques et des méthodes qui deviendront les leurs". Si l'aide par projet n'est qu'un outil, il ne s'agit pas de le casser dans un geste utopique, mais plutôt de faire le bilan de ses limites ou de le réviser, afin qu'en le mettant à son service une population "libère sa capacité d'inventer et d'agir". Qu'on ne puisse plus dire "ils réalisent leurs projets et nous laissent avec nos problèmes". Ainsi le développement pourra-t-il devenir une "aventure partagée". En soulignant la philosophie de B. LECOMTE, on risque de faire croire que son livre est celui d'un idéologue, alors qu'il est, tout au contraire, celui d'un professionnel, exact, précis et qui avance pas à pas, sans a priori, fidèle à l'esprit expérimental. Albert NICOLLET

Ce livre, co-écrit par Bernard LECOMTE et Marie-Christine GUENEAU est édité en 1998 par l'Harmatta. Dans un préambule, les auteurs présentent leur ouvrage :

Ce livre est le fruit de "coups de colère". Colères face à l'observation répétée des mêmes défauts, au sein des projets des organisations non gouvernementales (ONG) du Nord et du Sud et des coopérations publiques. Nos métiers d'évaluateurs nous mettent, en effet, dans des situations d'observation priviligiées...

Au fur et à mesure des cinq années de notre cheminement, notre duo a eu l'occasion soit de mener de longues interviews d'amis africains responsables d'organisations paysannes ou d'ONG, soit de noter les paroles des paysans sur des carnets remplis au fil des missions. Ces interviews et ces notes ont apporté un matériau concret qui, petit à petit, a donné un deuxième sens au livre ; celui de l'écho de l'irritation et des analyses de responsables paysans. Ceux-ci expriment leurs difficultés à créer leurs organisations et à tisser des relations équilibrées avec les différents acteurs du système d'aide. Notre sujet est donc devenu celui-ci : les pratiques du système d'aide en matière d'appui ou d'opposition aux dynamiques et à l'autonomie des organisations paysannes et des villageois...

Chacun des onze chapitres du livre porte la marque de ces deux courants. A l'exposé des agacements succèdent des analyses qui cherchent à décortiquer le défaut observé, à en comprendre l'origine et à examiner la logique des pratiques d'aide... Un exemple positif d'un projet intéressant pour un aspect de sa démarche méthodologique est donné ensuite. Ces exemples ont, pour la plupart, été vécus par nous-même ou nous ont été rapportés par des personnes de confiance... Débute alors la deuxième partie du chapitre : des pistes d'amélioration, des voix issues des leçons de notre expérience que nous souhaitons partager... Certaines pistes paraîtront peut-être utopiques et donc difficilement recevables par le système d'aide car elles supposent une capacité d'ouverture qui risque d'être antinomique avec la logique et les pratiques du système. Mais nous prenons volontairement le pari de cette utopie en la croyant réaliste...

Associé à Marie-Christine GUENEAU, Bernard démontre dans ce livre ce qui fait l'originalité de sa démarche : une critique rigoureuse du système d'aide, s'appuyant non pas sur une idéologie mais sur l'analyse précise et lucide de l'expérience des communautés villageoises et des leaders paysans. Aucun progrès, dit-il, ne pourra être réalisé sans écouter leurs paroles et développer leur pouvoir d'agir. "Porter la parole paysanne", est devenu son objectif principal. 


Porter la parole paysanne

Pendant des dizaines d'années, Bernard dans son travail d'évaluateur de projet, puis au sein du GRAD, a constamment tracé le sillon qu'il avait choisi : révéler l'expérience et l'expertise des communautés villageoises, et porter leurs attentes face au système d'aide. A partir de l'analyse de la réalité du terrain et de plus d'un millier d'interviews de leaders paysans, il a rédigé de multiples outils avec pour objectif d'aider les leaders paysans africains à maîtriser l'aide pour parvenir à s'en passer. On peut retrouver certains de ces outils sur ce site : 

  • Changer l'aide : cinq séries de livrets proposant une analyse critique de l'aide au développement à partir de paroles et d'écrits provenant de responsables d'Organisations Paysannes (OP) africaines et d'agents d'Organismes d'Appui (OA) https://www.grad-s.org/pages/paroles-paysannes/paroles-paysannes.html
  • Des dossiers pédagogiques s'adressant aux acteurs du Nord comme à ceux du Sud : "Aider c'est pas donner", "Cinq outils pour l'auto-évaluation", "Voyageurs certes, solidaires vraiment ?", "Fiches pédagogiques concernant la banque villageoise", "Processus d'auto-promotion et formes d'appui adaptées", "Coordonner au niveau d'une union d'organisations paysannes", "Promouvoir la maîtrise locale et régionale du développement : Une démarche participative à Madagascar", "Jeunes ruraux d'Afrique de l'Ouest", etc. On peut trouver ces publications sur ce site ou au catalogue du RITIMO (https://www.ritimo.fr/)
  • Les fiches DPH : Bernard avait le souci de favoriser l’expression de chacun et en particulier celle des paysans africains qui vivent dans la tradition orale.  Il se rendait compte qu’au sein de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale particulièrement, cette tradition ne permettait pas des échanges réguliers entre paysans, et que la mémoire de leurs engagements et actions était insuffisamment sauvegardée et transmise. Il a donc en permanence incité le GRAD à enregistrer et stocker les paroles de leaders africains, pour certains depuis plus de 40 ans, ce qui constitue une véritable mémoire vivante. Quels seraient les supports écrits et audio visuels les plus pertinents pour garder la mémoire de ces paroles et en favoriser la transmission ? Voilà ce qu’il visait dans sa recherche de forme d’expression. Sous la conduite de Bernard Lecomte, les membres du GRAD et lui-même ont réalisé des dizaines d'interviews de leaders paysans africains qui ont été publiées dans la base de données d’expériences "Dialogues, Propositions, Histoires" née d’une initiative conjointe de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (FPH) et de Ritimo. Pour retrouver toutes les fiches et les outils et méthodes écrites par Bernard, cliquez sur ce lien http://www.d-p-h.info, puis tapez "Bernard Lecomte" dans le moteur de recherche
  • La collection de livres de leaders paysans : Après avoir travaillé et publié  de nombreux ouvrages de synthèse avec d’autres membres du Grad, Bernard a désiré valoriser les expériences et l’analyse novatrices de certains leaders paysans. Il fallait en garder un récit structuré. Pas question, bien sûr, d’écrire à leur place, mais il a mis son écoute et son esprit de synthèse au service de quelques uns d’entre eux, prêts à écrire ou à enregistrer de nouveaux interviews pour présenter leur vécu riche d’expériences novatrices et les conclusions et analyses qu’ils en dégageaient. Bernard proposait une structuration et les extraits d’interviews adaptés. Garder un langage parlé, tel que transmis était une priorité. Tout cela faisait l’objet de longues discussions. Puis de nombreuses relectures, souvent au sein du GRAD. 

    4 livres sont nés de cette démarche :

    • Mamadou Cissokho : Dieu n’est pas un paysan : éd. Présence Africaine 2009  épuisé
    • Baganda Sakho : L'émigration n’est pas la solution : éd. Grad 2018
    • Demba Keita : 20 ans de luttes pour rétablir la paix : éd. Grad 2019
    • Union des Groupements paysans de Meckhe : Nous sommes devenus fiers d’être paysans éd. Grad 2020

Bernard, pendant toute cette période de participation à la vie du Grad a appuyé la concrétisation ou réalisé de nombreux ouvrages et autres supports multi médias, toujours à la recherche de ce qui serait le plus accessible aux paysans d’Afrique de l’Ouest. Si son écoute des paysans africains a fait l’objet de nombreux enregistrements et s’est concrétisé dans des ouvrages, tous ceux qui l’ont rencontré et ont travaillé avec lui appréciaient sa disponibilité et son attention à chacun.


 


 

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