ACCOMPAGNER LES ACTEURS DU SUD


 

Au théâtre de l'aide au développement, beaucoup de figurants évoluent dans l'ombre. Absents physiquement autour des tables de négociation, les bénéficiaires recherchés par les projets sont très présents, par contre, dans les tirades débitées par les autres acteurs : ”populations cibles”, ”besoins essentiels et ressentis”, ”participation populaire”, etc. La majeure partie des scénarios sont conçus à leur intention, pour contribuer à leur développement, un développement qu'ils n'auront plus ainsi à inventer mais seulement à exécuter. Certes, lors de l'acte deux, l'étude de faisabilité, certains d'entre eux auront été auscultés et ils auront pu exprimer leurs besoins. mais quelle responsabilité leur reconnaissent les acteurs du devant de la scène, quand le projet devient réalité, si ce n'est simplement une participation à son exécution ?

La pièce une fois jouée, l'aide se retire après la remise du projet ; et qu'attend-on de ces acteurs de l'ombre, quand les feux de la rampe s'éteindront, sinon qu'ils assument alors les charges récurrentes ?

(Marie-Christine GUENEAU, Bernard J. LECOMTE, ”Sahel : les paysans dans les marigots de l'aide”. L'Harmattan 1998)

Dès son origine, dans la foulée des analyses de Bernard LECOMTE, le GRAD a porté un regard critique sur la méthode des projets à court terme. Bernard LECOMTE pointait les trois défauts principaux de la méthode projet :

  1. La prévision des activités ne peut-être qu'aléatoire quand elle n'est pas nuisible. Le plus souvent, on ne dispose pas de données sûres et précises pour identifier, deux ou trois ans à l'avance, quelles seront les forces de travail disponibles et les besoins prioritaires. Pourtant les budgets, fixés à l'avance, ne pourront pas être modifiés pour répondre aux nouvelles priorités.

  2. Le projet est fondé sur l'analyse des besoins et donne la priorité au seul apport d'aide. Les ressources propres des gens - leur travail, leur épargne, leur savoir-faire - sont condidérées comme secondaires. L'outil projet ne fait qu'incorporer les efforts de ceux qui sont aidés au sein d'une action dominée par celui qui aide. Or, le coeur de l'action dépend des gens et de leur volonté de réaliser ceci ou cela. Comment peuvent-ils se mobiliser s'ils sont considérés comme des bénéficiaires et non comme des acteurs principaux aptes à décider par eux-mêmes ?

  3. Etablir un projet peut stériliser la prédisposition à satisfaire immédiatement le besoin présent avec les moyens du bord. Il renvoie au lendemain la réalisation de ce qui aurait pu être, en toiut ou partie, exécutable immédiatement. Une planification seulement descendante ne permet pas d'appuyer des activités nouvelles : on ne peut les prévoir avec une estimation correspondante des coûts ; et si elles ne sont pas prévues, elles ne seront pas financées.

Comme l'explique Bernard LECOMTE, ces trois défauts de la méthode projet aboutissent à dé-responsabiliser les acteurs locaux : ”Quand une description de ce qui pourrait être fait et un budget sont exigés avant d'obtenir, peut-être, un appui, l'énergie du groupe est paralysée. Elle devient une attente, un rêve démobilisant : ”L'aide va bientôt résoudre notre problème”. Dire ”Exprimez vos désirs, chiffrez-les, je verrai ce que je peux faire”, c'est risquer de briser le ressort qui pousserait les gens à résoudre leur problème en comptant d'abord sur leurs propres moyens, avec leurs outils et leur savoir-faire. En conséquence, l'instrument projet est peu adapté à l'une des fonctions du système d'aide qui devrait être essentielle : mobiliser d'autres moyens que les ressources extérieures.”

Néanmoins, mettre en évidence les irrationnalités de la méthode-projet ne veut pas dire que la préparation de l'action soit inutile. Ce qui est prévisible doit être prévu, comme les coûts de fonctionnement ou les dépenses de formation et de conseil. Mais tout ce qui b'est pas prévisible avec précision, c'est-à-dire ce qui dépend du travail, de l'épargne et de l'initiative des villageois, l'essentiel en fait, doit être décidé par négociation avec les intéressés, au moment même d'agir.

C'est pourquoi une véritable aide au développement exige un accompagnement sur le long terme des acteurs locaux, placés en position de décideurs.

Pour préciser cette approche, nous proposons deux illustrations :

  • Le concept de partenariat de longue durée tel qu'il est pratiqué par le GRAD ;

  • L'exemple de la Plateforme de Souveraineté alimentaire à laquelle le GRAD contribue aux côtés d'autres organisations membres de la Fédération Genevoise de Coopération.

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